Longue maladie et désorganisation de l’entreprise
Posté le 11 février 2016
Il est constant que les absences injustifiées d’un salarié peuvent constituer un motif de licenciement.
Mais qu’en est-il lorsque le salarié est absent durant une longue période ou de manière répétée en raison de son état de santé et qu’il s’en justifie auprès de l’employeur ?
Piqûre de rappel
Il convient de distinguer la notion d’absence pour cause de longue maladie de l’inaptitude du salarié.
En effet, si le salarié est déclaré inapte à occuper son emploi, l’employeur doit respecter les règles applicables au licenciement pour inaptitude, dont l’obligation de reclassement.
Principe : la prohibition des sanctions liées à l’état de santé
Le code du travail interdit à l’employeur de sanctionner/licencier un salarié en raison de son état de santé. Une telle sanction ou un tel licenciement est discriminatoire. Dans ces conditions, il ne peut être reproché au salarié d’être malade.
Si l’employeur prononçait une telle sanction, elle pourrait, en cas de litige, être annulée par le juge et l’employeur encourrait diverses condamnations, tant sur le plan civil que pénal.
Exception : les conséquences des absences pour cause de maladie
Selon une jurisprudence constante, l’employeur peut licencier un salarié absent pour cause de longue maladie ou absences maladie répétées lorsque ces 3 conditions cumulatives sont remplies :
- le salarié ne bénéficie d’aucune garantie conventionnelle interdisant à l’employeur de le licencier en raison des conséquences de ses absences liées à son état de santé,
- l’absence du salarié perturbe le fonctionnement de l’entreprise,
- le remplacement définitif du salarié absent est nécessaire.
Si ces 3 conditions sont remplies, l’employeur peut lancer la procédure de licenciement.
Les garanties conventionnelles
Certaines conventions collectives et/ou certains accords collectifs imposent à l’employeur d’attendre un certain temps avant d’engager une procédure de licenciement à l’encontre d’un salarié absent pour cause de maladie.
Ces dispositions peuvent également prévoir d’autres obligations à la charge de l’employeur.
Si l’employeur ne respecte par ces délais et obligations, la cause réelle et sérieuse du licenciement devrait être écartée en cas de litige prud’homal.
La motivation de la lettre de licenciement
Elle doit clairement indiquer que le salarié est licencié en raison :
- de la perturbation du fonctionnement de l’entreprise causée par l’absence du salarié,
et
- de la nécessité de remplacer définitivement le salarié absent.
En revanche, elle ne doit jamais indiquer que le salarié est licencié en raison de son état de santé.
Le régime probatoire applicable en cas de litige
En cas de litige, l’employeur devra démontrer au juge que les 2 conditions rappelées ci-avant sont remplies.
Les critères d’appréciation
La perturbation de l’entreprise s’apprécie au niveau de l’entreprise et non pas au niveau de l’établissement ou du service dont le salarié absent dépend.
Par ailleurs, le remplacement du salarié absent doit s’effectuer dans l’entreprise, et non pas dans une autre société du groupe.
Les juges peuvent notamment prendre en considération les éléments suivants pour vérifier que ces conditions sont remplies :
- la taille de l’entreprise,
- la durée de l’absence du salarié,
- la nature de l’emploi du salarié et son niveau de responsabilité.
En tout état de cause, plus le salarié occupe un poste spécifique, stratégique ou impliquant un certain niveau de responsabilité, plus la perturbation invoquée peut être caractérisée ainsi que la nécessité de remplacer définitivement le salarié absent.
La date du remplacement définitif
Il peut intervenir :
- à une date proche et antérieure au licenciement du salarié absent ou,
- dans un délai raisonnable à compter de la fin du préavis de licenciement du salarié absent.
Les preuves admissibles
Pour prouver la perturbation et la nécessité de remplacer définitivement le salarié absent, l’employeur peut utilement produire des éléments tels que :
- des plaintes, témoignages de salariés, clients, fournisseurs sur les conséquences de l’absence du salarié,
- des preuves sur les pertes de clients, fournisseurs résultant de l’absence du salarié,
- des documents justifiant la baisse du chiffre d’affaires,
- des documents justifiant un accroissement anormal du nombre d’heures supplémentaires accomplies par les autres salariés pour compenser l’absence du salarié remplacé,
- etc…
Exception à l’exception : le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité
Si les juges peuvent valider le licenciement du salarié lorsque les conditions exposées ci-avant sont remplies et démontrées, il en va autrement lorsque l’absence du salarié résulte d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Ainsi, par exemple, dans un arrêt du 13 mars 2013, n° 11-22082, la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que « lorsque l’absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, ses conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement ».
En l’espèce, la Cour de cassation reprochait à la Cour d’appel de n’avoir pas recherché si, comme il était soutenu par la salariée, elle n’avait pas été exposée à un stress permanent et prolongé à raison de l’existence d’une situation de surcharge de travail conduisant à un épuisement professionnel de nature à entraîner une dégradation de son état de santé, susceptible de caractériser un lien entre la maladie de la salariée et un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.