La promesse d’embauche n’est plus ce qu’elle était !
Posté le 15 octobre 2017
Nous vous présentions dans une brève les principes régissant la promesse d’embauche : ce qu’elle doit contenir et les conséquences en cas de son non-respect. Ces principes ont été bouleversés par une jurisprudence récente selon laquelle une promesse d’embauche ne vaut désormais plus forcément contrat de travail. Eclaircissement sur ce revirement.
La promesse d’embauche avant l’arrêt n° 16-20.104 de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 21 septembre 2017
Avant le 21 septembre 2017, toute promesse d’embauche :
- constituant une offre ferme et précise, et
- indiquant les éléments essentiels du contrat de travail (nature de l’emploi, rémunération, date d’entrée en fonction),
valait contrat de travail. Cela impliquait que l’employeur s’engageait dans un contrat de travail, et ce même si le salarié ne l’avait pas encore accepté.
Si toutefois l’employeur se risquait à ne pas embaucher un salarié envers lequel il s’était engagé en vertu d’une promesse d’embauche, il se devait alors de respecter la procédure de rupture de contrat de travail et invoquer pour cela un motif valable. A défaut, il s’exposait à une rupture s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et donc au versement d’indemnités pour rupture abusive de contrat de travail.
Mais, par un arrêt du 21 septembre 2017 (n° 16-20.104), la Cour de cassation a modifié ce principe : désormais, la promesse d’embauche ne vaut plus forcément contrat de travail, et peut être assimilée à une simple invitation à négocier.
L’arrêt du 21 septembre 2017 : revirement de jurisprudence
Les faits
Le 22 mars 2012, un joueur de rugby reçoit une promesse d’embauche pour les saisons 2012/2013 et 2013/2014 de la part du club de rugby de Carcassonne.
Cette promesse d’embauche, relativement précise, indiquait notamment :
- La date de début du contrat (1er juillet 2012) ;
- le salaire brut fixé pour chaque saison et,
- la mise à disposition d’un logement et d’un véhicule.
Le 6 juin 2012, ce joueur de rugby reçoit un courriel de la part du club, lui indiquant que finalement, aucune suite ne serait donnée à leur proposition. La promesse d’embauche perdait ses effets.
Faisant fi de ce courriel, le joueur renvoie au club la promesse d’embauche signée. Devant le refus par le club de l’embaucher, le rugbyman saisit le Conseil des prud’hommes au titre de la rupture abusive de son contrat de travail.
La procédure
Le Conseil des prud’hommes, comme la Cour d’appel ont sans surprise rendu une décision conforme à la jurisprudence à ce sujet, jusqu’alors constante. Ils ont estimé « qu’un contrat de travail avait été formé entre les parties et qu’il importait peu que le club de rugby ait finalement renoncé à engager le joueur puisque la promesse d’embauche engage l’employeur même si le salarié n’a pas manifesté son accord« . En dépit de la constance de la jurisprudence sur ce thème, le club de rugby se pourvoie tout de même en cassation… et transforme l’essai !
En effet, la Cour de cassation a reproché aux juges du fond de ne pas avoir constaté que la promesse d’embauche faite au joueur de rugby, lui offrait le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail dont les éléments essentiels figuraient sur ladite promesse. En l’occurrence, il s’agissait donc d’une simple offre de contrat de travail, et non pas d’une promesse d’embauche unilatérale.
Les raisons d’un tel revirement
Pour fonder son raisonnement, la Cour de cassation s’est basée sur une ordonnance du 10 février 2016, qui a modifié profondément le droit des contrats et la définition donnée par le Code civil, à l’offre de contrat et à la promesse unilatérale.
La Cour de cassation justifie ce revirement dans un note (note explicative de la Cour de cassation – Arrêt du 21 septembre 2017) en rappelant que la jurisprudence antérieure relative à la promesse d’embauche « pouvait avoir pour effet d’assécher les possibilités de négociations précontractuelles, l’employeur s’avançant trop, risquant de se voir opposer la conclusion d’un contrat de travail ».
La Cour de cassation met également en avant le fait qu’il y avait un « risque d’effet d’aubaine non-négligeable, le salarié pouvant réclamer des indemnités de rupture sur le seul fondement de la promesse d’embauche, alors même qu’il n’avait pas l’intention de s’engager ».
Dans cette configuration, la promesse d’embauche, acte unilatéral, emportait alors les effets d’un contrat bilatéral. Il fallait y remédier.
En pratique, que vaut désormais une promesse d’embauche ?
La promesse d’embauche dans sa forme antérieure à l’arrêt du 21 septembre 2017 n’existe plus. Il convient désormais de distinguer 2 cas : celui de l’offre de contrat de travail et celui de la promesse unilatérale de contrat de travail.
L’offre de contrat de travail
Conséquences de l’offre de contrat de travail
Il y a simple offre de contrat de travail quand l’employeur propose un engagement à un potentiel futur salarié en précisant des éléments considérés comme essentiels dans un contrat de travail (missions, rémunération, date d’entrée en fonction).
Une telle offre faisant clairement état de l’intention de l’employeur d’être lié contractuellement au salarié en cas d’acceptation de ce dernier. L’employeur pourra alors se rétracter tant que l’offre n’est pas parvenue à son destinataire, cela dans un délai raisonnable, et sans que cette rétractation soit assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ainsi, une offre de contrat de travail ne vaut pas contrat de travail, contrairement à la promesse de contrat de travail.
Quid en cas de rétractation de l’employeur de l’offre de contrat de travail
Il convient d’envisager 3 situations :
- Soit l’employeur se rétracte avant que le candidat ait reçu l’offre. Dans ce cas, aucun contrat n’a été conclu et la responsabilité de l’employeur n’est pas engagée ;
- Soit l’employeur se rétracte alors que le candidat a reçu l’offre mais ne l’a pas encore acceptée dans le délai imparti. Dans ce cas, le contrat n’est pas conclu, mais la responsabilité extracontractuelle de l’employeur peut être engagée. En cas de préjudice subi par le salarié, l’employeur pourra être amené à lui verser des dommages et intérêts ;
- Soit l’employeur se rétracte après que le candidat a accepté l’offre dans les délais impartis. Le contrat de travail est alors conclu et l’employeur pourrait être condamné à payer des indemnités pour rupture du contrat injustifiée.
La promesse unilatérale de contrat de travail
Il y a promesse unilatérale de contrat de travail quand l’employeur adresse à un candidat, un document lui permettant d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont certains éléments essentiels (emploi, rémunération, date d’entrée en fonction) sont déterminés et pour la conclusion duquel ne manque que le consentement du candidat.
Le contenu est le même que dans le cas de l’offre de contrat de travail seule la force de l’engagement de l’employeur diffère. Dans ce cas, l’employeur ne pourra pas se rétracter sans motif légitime. Un tel document vaudra contrat de travail. La révocation de cette promesse pendant le temps laissé au candidat pour donner sa réponse n’empêche pas la formation du contrat de travail. Désormais, seule la promesse unilatérale de contrat de travail constitue une promesse d’embauche ayant valeur de contrat de travail.
Rédactions de l’offre ou de la promesse de contrat de travail
Offre et promesse de contrat de travail peuvent être rédigées en intégrant les formules suivantes :
- Une offre de contrat de travail pourra faire apparaître les termes suivants : « nous souhaiterions vous proposer la signature d’un contrat de travail, qui reprendrait les éléments essentiels suivants, si vous êtes d’accord ». L’employeur pourra utilement ajouter : « En cas d’acceptation de votre part de cette offre avant le …, le contrat de travail sera formé dans les termes indiqués ci-avant. Pour information, toute rétractation de notre part avant votre réponse et pendant ce délai empêchera la formation du contrat. Passé ce délai, la présente offre sera caduque. »
- La promesse unilatérale de contrat de travail pourra, elle, indiquer que l’employeur « propose au salarié le poste suivant… ». La rédaction reste la même que celle qu’elle était pour l' »ancienne » promesse d’embauche. L’employeur ne pourra pas se rétracter.